De l’autre côté du miroir (Texte de Victoire de Grandmaison paru dans le Lama N°17)
17
févr.
2009
L’adoption est une greffe où se logent toutes les névroses du coeur. Les parents adoptifs ne se débarrassent pas
facilement de leur sentiment surprotecteur. Cela entraîne un manque de confiance et l’enfant a du mal à grandir…Evoluer signifie encore se séparer. Mais l’enfant adopté peine à s’abandonner et
tout son chagrin se transforme en colère.
Je me suis perdue dans la projection d’un monde dont j’ignorais tout.
J’évoluais dans une galerie de miroirs.
Arrachée au ventre du pays où je suis née, la frontière qui me séparait du Chili scindait mon coeur en deux. Je tentais de me construire entre deux océans, au milieu de quatre figures parentales. Mon enfance fut jalonnée de mille souvenirs écrans et ma vie n’était qu’un transfert.
Je me suis perdue dans la projection d’un monde dont j’ignorais tout.
J’évoluais dans une galerie de miroirs.
Arrachée au ventre du pays où je suis née, la frontière qui me séparait du Chili scindait mon coeur en deux. Je tentais de me construire entre deux océans, au milieu de quatre figures parentales. Mon enfance fut jalonnée de mille souvenirs écrans et ma vie n’était qu’un transfert.
Je n’avais pas le contrôle de la vie que je menais et j’ai cherché en vain des issues de secours. La velléité
est le symptôme
de l’être désincarné…La psychanalyse m’a donné une compréhension profonde des mécanismes de mes peurs et de mon
traumatisme, mais rien ne se modifiait au niveau du vécu.

En juin 2006, je suis retournée au Chili, mon pays d’origine, pour la première fois depuis mon adoption. Ce voyage s’est déroulé avec beaucoup de difficultés. J’ai eu honte de ne plus être celle que j’étais et le Chili ne m’a pas reconnue. Je parle mal ma langue maternelle –je suis arrivée en France à presque trois ans-, je ne voulais pas qu’on sache que je n’étais pas chilienne et les mots d’espagnol restaient bloqués dans mon ventre…Qui avais-je trahi pour me sentir si honteuse ?...
Je n’ai pas rencontré le miracle que j’attendais mais, sans le savoir, je me suis « incarnée », je parviens maintenant à exprimer ce qui jusqu’à présent était comme captif en moi. A mon retour, le récit ne fut pas extraordinaire et les mots étaient bien insipides, comparés à l’importance de ce qui se passait en moi. Quatre mois plus tard, je ressens la transformation que ce retour aux sources a provoquée. Comme face à une immense peinture abstraite, on renonce à l’éternel besoin de tout conceptualiser pour se laisser aller à ressentir l’émotion, à vivre sans se regarder. Mais ce voyage, il faut l’effectuer seul et dans un moment où le coeur, accordé aux sens et à l’esprit, se tient prêt.

Je suis retournée sur mes pas, j’ai embrassé le passé, j’ai serré contre moi la petite fille que j’étais, j’ai
pleuré dans ses bras, réconciliée avec moi-même.
En observant les miens, j’ai compris celle que j’étais devenue. J’ai pardonné à ce pays de m’avoir totalement oubliée…Je ne suis plus chilienne, je suis une Française avec l’énergie des Mapuches, peuple originaire de ces terres australes. Mais avant tout, je suis - au-delà de toute frontière- ce que je ressens, ce que j’aime, ce que je choisis.
Victoire de Grandmaison, adoptée en 1980 à Santiago du Chili.
Illustrations de l'article: Lili Lisa Tardi
Télécharger le Lama N° 17: ici
En observant les miens, j’ai compris celle que j’étais devenue. J’ai pardonné à ce pays de m’avoir totalement oubliée…Je ne suis plus chilienne, je suis une Française avec l’énergie des Mapuches, peuple originaire de ces terres australes. Mais avant tout, je suis - au-delà de toute frontière- ce que je ressens, ce que j’aime, ce que je choisis.
Victoire de Grandmaison, adoptée en 1980 à Santiago du Chili.
Illustrations de l'article: Lili Lisa Tardi
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