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AFAENAC Association des Familles Adoptives d'Enfants Nés Au Chili

Bayonne : le printemps chilien aux Translatines (sudouest.fr)

Blog de l'AFAENAC

Du 13 au 22 octobre, Les Translatines proposeront douze spectacles, une vingtaine de représentations, des expositions, des débats, des lectures, des nuits musicales… et le Chili sera à l'honneur. 

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Une série de photographies en noir et blanc orne les murs du Carré Bonnat. Il s'agit de portraits d'habitants de la ville de Santiago du Chili, réalisés au cours des dix dernières années par Jorge Brantmayer.

Des Chiliens de tous les âges et de toutes les conditions sociales photographiés dans la même posture. Confronté à cette exposition intitulée Muchedumbre, qui sera prolongée par d'autres portraits, présentés place de la Liberté, sur les quais de Nive et au Musée basque, le visiteur est tenté de chercher quelle a pu être la vie de tous ces anonymes. C'est devant ces photographies que Jean-Marie Broucaret, directeur du Théâtre des Chimères, a présenté hier la nouvelle édition des Translatines, devenue biennale. Ce sera, du 13 au 22 octobre, la trentième édition de ce festival dédié à la création contemporaine d'Amérique latine et d'Espagne, qui a vu le jour en 1981 sous le nom de Semaine théâtrale de Bayonne.

Le Chili sera particulièrement à l'honneur, cette année, dans la programmation : six spectacles sur douze, répartis entre Bayonne, Anglet, Biarritz, « une escapade à Cambo », et Saint-Sébastien. Jean-Marie Broucaret n'hésite pas à parler, à ce sujet, d'un « printemps chilien ».

 

Mapuches et Basques

 

Parmi ces spectacles, « Ñi pu tremen, mis antepasados » occupe une place particulière. Il réunit cinq générations de femmes issues de la communauté mapuche, une minorité indienne du Chili qui a choisi de lutter pour récupérer ses terres ancestrales. Les cinq femmes, qui ne sont pas des comédiennes professionnelles, témoignent de leur condition en langue mapuche et en espagnol. « Un moment bouleversant », selon Jean-Marie Broucaret qui a découvert ce spectacle dans la banlieue de Santiago. Les cinq femmes seront présentes à Bayonne. Le directeur de Chimères s'est dit qu'il serait intéressant de tendre, en Pays basque, un miroir à ce spectacle, de « dresser un pont à des milliers de kilomètres ».

C'est ainsi qu'est né « Emabide », de Didier Ruiz, une pièce de théâtre documentaire de la Compagnie des hommes, coproduite par l'Institut culturel basque. Neuf femmes de 19 à 75 ans, issues de trois provinces basques de France, racontent à leur tour, leur vie. En euskara pour la plupart, mais surtitré en français.

La pièce sera créée le vendredi 14 octobre à Cambo et, après Bayonne, sera présentée le dimanche 27 novembre au centre culturel de Lugaritz, à Saint-Sébastien, permettant à la capitale du Guipuzcoa de renouer avec le théâtre latino-américain. Un passé très présent

Le point commun de ces spectacles, c'est souvent le lien que leurs auteurs ou leurs interprètes entretiennent avec la mémoire, l'histoire, le passé du Chili. « Certains jeunes artistes n'ont pas connu le coup d'état et portent sur cette période un regard décalé, a constaté Jean-Marie Broucaret.

Ils se demandent comment bâtir un avenir à partir de cet héritage. Ils ont un devoir de mémoire et d'oubli. » Plusieurs spectacles sont révélateurs de cette problématique. « Comida alemana », d'après une pièce de l'écrivain autrichien Thomas Bernhard met en scène un groupe de six jeunes qui répète les lieder de Schubert… dans une cave nazie, au Chili. Et « Afasia, los olvidados de la dictatura », de Lorna Gonzalez évoque le sort des enfants jadis victimes des prisons politiques et de la torture.

Dans « Discurso y villa », (présenté le samedi 15 octobre au centre culturel de Lugaritz, avant deux représentations à Bayonne), on plonge dans le Chili d'aujourd'hui. Il s'agit d'un monologue interprété par trois comédiennes qui sont, chacune, un morceau de la parole et de la réflexion de Michèle Bachelet, l'ancienne présidente. Elles débattent aussi des différentes alternatives pour la rénovation de la villa Grimaldi, principal centre de torture sous la dictature de Pinochet. Ce ne sont pas des spectacles particulièrement gais. Jean-Marie Broucaret le reconnaît volontiers.

« Mais les Chiliens, ajoute-t-il, s'emparent de ces sujets avec tonicité. On n'est pas du tout dans le lamento. Et l'on ne sort pas de ces spectacles plombé… » Un rescapé D'autres pays d'Amérique latine auront leur place dans cette trentième édition. « Amarillo » qui, selon Jean-Marie Broucaret, relève davantage de la performance que du théâtre proprement dit, apparaîtra comme l'un des rares rescapés de l'année du Mexique avortée.

 

« El viento en un violin », de l'Argentin Claudio Tolcachir, est une rencontre de marginaux, rappelant un peu, paraît-il, les personnages des films d'Ettore Scola. « Ils nous parlent du quotidien avec le grain de folie nécessaire. » Jean-Marie Broucaret s'est dit très fier que l'Espagnole Angelica Liddell ait choisi les Translatines pour l'unique représentation, en Aquitaine, de « Te haré invencible con mi derrota », tout en reconnaissant que ce spectacle où la comédienne pratique sur elle-même des scarifications (!) pouvait choquer enfants et âmes sensibles. Cette trentième édition sera aussi celle des retrouvailles avec des habitués comme Vincente Pradal, auteur d'un oratorio inspiré de la vie et de l'œuvre de Miguel Hernandez.

 

Et les enfants ne seront pas oubliés puisque les Andalous Joaquin Casanova et Elisa Ramos ont créé à leur intention « El castillo rojo », théâtre de marionnettes et d'objets. Comme d'habitude, expositions, lectures, débats, rencontres, conférences, nuits musicales rythmeront ces Translatines. Un festival qui se porte bien, a reconnu Jean-Marie Broucaret, mais dont l'avenir dépend du Théâtre des Chimères. Or la compagnie, en perdant l'an dernier, son conventionnement avec la Direction régionale des affaires culturelles, traverse une période très difficile.

 

Par EMMANUEL PLANES

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