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AFAENAC Association des Familles Adoptives d'Enfants Nés Au Chili

Préservation de la culture Mapuche au Chili : un combat qui dure ! -( Chroniques d’Amérique Latine - Publié le lundi 8 février 2010 , par Olivier URRUTIA)

Blog de l'AFAENAC

Si les principaux think tanks chiliens consacrent une grande partie de leurs travaux au traitement de la question Mapuche, ce sont plus largement les think tanks de toute l’Amérique latine qui s’emparent des thématiques majeures de politique publique : désertification des zones rurales, accès à l’éducation et à la santé, transports, droits des populations indigènes. Tous ces points qui font l’actualité politique du continent sud-américain sont au centre de tous les débats pour le développement global de la zone.


La communauté Mapuche, littéralement « peuple de la Terre », est constituée principalement de huit groupes aborigènes situés en Araucanie et Patagonie, c’est-à-dire au centre-sud du Chili et au sud de l’Argentine. La large majorité des Mapuche se trouve au Chili, divisée entre ruraux et citadins (Santiago) qui forment l’ethnie autochtone indigène la plus importante du pays (près de 5% de la population lors du dernier recensement en 2002). Après avoir résisté durant des siècles aux diverses tentatives d’invasion (Incas, Conquistadors), les Mapuche luttent depuis des décennies contre le gouvernement chilien afin de faire prévaloir leurs spécificités culturelles, préservant ainsi leur existence dans le cadre de la Nation chilienne. Depuis la création d’un Etat chilien indépendant, tous les gouvernements au pouvoir se sont vus confrontés à cette problématique : comment intégrer des populations autochtones à la Nation tout en respectant leurs besoins et droits spécifiques ? Comment concilier dans une économie de marché moderne le droit à la propriété privée et le devoir de redistribution des terres indigènes anciennement « confisquées » et vendues ?


Si les principes identitaires Mapuche reposent sur les critères de la langue, du sang, d’un passé historique commun et de la pratique de certains rites, celui de la Terre comme élément d’identification à l’ethnie et de préservation de la culture d’origine, reste prépondérant.


Problématique Mapuche : pour une approche systémique

Comme l’explique très clairement une enquête-dossier¹ « clinique » du Centro de Estudios Publicos de Chile, les Mapuche (urbains et ruraux) considèrent majoritairement que la récupération des terres indigènes originelles devrait être la priorité de la politique publique du gouvernement. Deux principes se dégagent dans la démarche MapucheMapuche. Le CEP rappelle que l’approche économique qui traduit terre par « propriété » et celle, politique, qui confond terre avec « territoire » ne peuvent appréhender pleinement la signification de la terre pour les Mapuche. A ce sujet épineux, l’étude du think tank montre que l’affirmation identitaire de l’appartenance à une ethnie n’est pas en contradiction avec un sentiment d’appartenance nationale pour les Mapuche.


En réalité, une ample majorité souhaiterait même une meilleure et plus grande intégration des Mapuche à la nation chilienne tout en réclamant leur droit à la différence. Pour eux, la terre est envisagée comme patrimoine, non pas comme territoire. C’est sur ce principe d’analyse méthodique et approfondie de la question indigène, que le CEP, loin de condamner le recours à la violence de groupes Mapuche qui brûlent et réquisitionnent des terres occupées par des populations allogènes, tente d’en comprendre la signification. A un problème national trop souvent réduit à un groupe ou à une zone en particuliers, le CEP oppose une approche systémique qui précise les responsabilités de chacun dans la résolution du problème. Le think tank fait trois propositions générales de convergence d’intérêts en incluant toutes les parties prenantes (Mapuche, gouvernement et société chilienne) :


• L’importance de trouver un programme de préservation et de pérennisation de la culture Mapuche dans le cadre national chilien.


• La nécessité de renforcer l’intégration des indigènes à la société notamment par l’éducation (bilinguisme), l’accès à la santé et les échanges inter-culturels..


•   La nécessité que les politiques publiques évitent les plans monolithiques sur la question indigène sans tenir compte de la complexité du monde Mapuche : des groupes divisés entre très communautaires et plus intégrés à la société chilienne. Les politiques publiques, selon le CEP, devraient d’abord comprendre les besoins et expectatives des Mapuche finalement proches de ceux d’autres groupes indigènes urbains et de groupes dont le niveau socio-économique est similaire (ouvriers, paysans etc…). Toutefois, ces propositions positives et volontaires restent vagues dans leur modalité d’application. visant à la redistribution des terres indigènes : le principe compensatoire lié à la saisie arbitraire de ces terres par l’Etat chilien, en dépit de multiples traités l’interdisant, et le principe d’identification ethnique et de sauvegarde de la culture liées au symbolisme que recouvrent ces terres pour les


Des droits indigènes à l’Etat de droit

Si de son côté Libertad y Desarrollo admet la légitimité de certaines revendications Mapuche (spécificités culturelles, importance de la terre comme facteur d’identification ethnique, extrême pauvreté pour une large majorité d’indigènes, politiques publiques non adaptées, promesses non tenues), le think tank dénonce l’usage de la violence fait par certains groupes Mapuche comme mode de chantage économique et politique : incendies, occupations de terres, interruption de trafic, manifestations urbaines, vols, actes de violence et de vandalisme sur des biens publics ou des personnes. La conséquence directe serait une économie précaire due au déficit d’investissements de capitaux extérieurs dans les régions d’Araucanie et de Patagonie, ce qui entraînerait, entre autres, l’accroissement du chômage et des systèmes de santé et d’éducation inadaptés. L’insécurité et l’instabilité dans la région ainsi que la contestation du droit à la propriété privée sembleraient effrayer les éventuels investisseurs. Céder à ce chantage en rachetant et en redistribuant les terres qui font l’objet de violences serait un signe de légitimation du recours à la violence et un désaveu pour l’Etat de droit. En ce sens, le think tank défend le droit à la propriété privée comme facteur principal de développement économique et social pour un Etat. Sont désignés les principaux responsables : les extrémistes Mapuche de la Coordinadora Auraco Malleco² et les gouvernements d’Eduardo Frei, de Ricardo Lagos et de Michelle Bachelet qui ont appliqué la politique de « la paix sociale en échange du rachat direct et de la redistribution de terres », provoquant la recrudescence d’actes de violence et la flambée des prix pour la vente de terres. L’effet d’annonce du rachat direct (discrétionnaire entre gouvernement et vendeur) de terres stigmatisées par des actes violents encouragerait certains groupes dans leurs pratiques radicales. Le vendeur, de son côté, pratiquerait la politique de l’offre et de la demande : le gouvernement engagé étant obligé de racheter ces terres, le prix de vente est multiplié.


Droits des minorités et intérêt national

Par ailleurs, Libertad y Desarrollo dénonce des liens supposés entre le CAM et les groupes terroristes ETA et FARC, cautionnant ainsi le fait que certains des prisonniers Mapuche soient encore aujourd’hui poursuivis en justice sous le faisceau de la loi anti-terroriste mise en place sous la dictature de Pinochet. Toutefois, les associations militantes Mapuche dénoncent une répression policière violente et l’existence de milices servant des intérêts économiques privés tels que les grandes sociétés forestières, céréalières, hydroélectriques et touristiques. Il est à noter que la loi indigène chilienne de 1993, a une portée réduite dans la mesure où les lois sur la pêche, la mine, le bois et l’électricité prévalent. Les deux think tanks divergent sur la question du supposé nationalisme exacerbé des communautés Mapuche. Tandis que Libertad y Desarrollo souligne que le CAM utilise le prétendu symbolisme de la terre pour en fait créer la « Nation du Peuple Mapuche » s’inscrivant dans une démarche indépendantiste radicale, le CEP met en avant la très majoritaire identification Mapuche à la Nation chilienne et son envie d’une plus grande intégration à la société civile. Il convient de s’interroger sur un dernier point mis en exergue par Libertad y Desarrollo : l’Etat a-t-il réellement les moyens financiers et politiques de racheter et redistribuer des terres jamais délimitées officiellement et occupées, parfois depuis des décennies, par des agriculteurs, propriétaires terriens et grands groupes industriels ? Et, surtout, en a-t-il la volonté ?


¹ Estudios Publicos, 105, verano 2007, « Tierra, comunidad e identidad Mapuche » por Eduardo Valenzuela

² Coordinadora Auraco Malleco, organisation fondée en 1998 par diverses communautés Mapuche issues des provinces de Auraco et de Lumako dans le but de revendiquer l’ethnie Mapuche et la récupération des terres ancestrales notamment par la lutte politique locale. Quant à la lutte armée, l’organisation l’assume comme moyen de défense contre les attaques de milices et les pouvoirs publics comme actes de terrorisme. Sources : Centro de Estudios Publicos de Chile (www.cepchile.cl) et Libertad y Desarrollo (www.lyd.com)

Source : http://www.oftt.eu

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