TRACKS - Mapurbes: les Indiens se révoltent en musique
Un reportage de Mathieu Orcel
Au Chili les Indiens sont dans la ville ! Le peuple de la terre déterre la hache de guerre. Punks, rappeurs ou métalleux, les Mapurbes sonnent la révolte en musique. De Santiago du Chili à la Cordillère des Andes, les Mapurbes font de la résistance.
Les conquistadors espagnols lui ont donné le nom d'Araucanie, "la région de la frontière". Pendant des siècles, ces forêts
chiliennes appartenaient aux Mapuches, le "peuple de la terre" en langue mapudungun. Dépossédée de ses terres, la majorité des 600 000 Mapuches chiliens vit désormais en ville. Leur nom : les
Mapurbes, les Indiens urbains.
Longtemps méprisés par ceux des campagnes, ils sont aujourd'hui à la pointe du combat mapuche. Comme Filutraro Paillafilu, qui a
fait une croix sur Paul, son prénom espagnol. Installé à Santiago du Chili, la capitale du pays, il a fondé le groupe de hip hop "Wechekeche", "la bande de jeune" en VF, convaincu que la
résistance mapuche doit se faire en musique. Inspiré par Public Enemy, le collectif Wechekeche met son rap au service de la lutte mapuche comme dans leur morceau dédié au martyr Alex Lemun. Avec
trois albums autoproduits, le groupe compte une quinzaine de membres.
Les Wechekeche parlent entre eux la langue mapuche mais rappent en espagnol pour faire passer leur message chez les Chiliens.
Aujourd'hui, les Mapuches ne représenteraient plus que 5% de la population chilienne, et n'ont aucun élu au Parlement. Un peuple en voie de disparition.
Pendant des siècles, les Mapuches ont régné sur ces vastes forêts qui s'étendent des deux côtés de la Cordillère des Andes.
Après avoir tenu en échec les armées de l'Empire Inca, le peuple de la terre repousse les assauts des conquistadors pendant plus de trois siècles. Ils contraignent même les Espagnols à signer des
traités leur reconnaissant un territoire : le Wallmapu, plus étendu que le Portugal.
Après vingt ans de conflit qui se soldent par des dizaines de milliers de morts indiens, les Mapuches perdent 90 % de leur
territoire et se retrouvent parqués dans des réserves. Les deux principales entreprises forestières du Chili possèdent aujourd'hui plus de terres que tous les Mapuches réunis. De leur côté, les
Indiens multiplient les attaques de convois de camions chargés de bois. La forêt est devenue un champ de bataille