Pablo Neruda. Vaguedivague, un raz-de-marée de mots
À l’occasion de la commémoration de la disparition de Pablo Neruda, l’une des œuvres essentielles du poète, publiée en 1958, est enfin disponible en édition de poche.
Vaguedivague, de Pablo Neruda.Traduit de l’espagnol (Chili) par Guy Suarès. « Poésie » Gallimard n° 485, 192 pages, 7 euros.
C’était hier. C’était un 11 septembre. La soldatesque prenait le pouvoir au Chili avec la bénédiction active de l’administration américaine. C’était au Chili. Vous vous souvenez ? Là, « un étranger / venu cogner aux portes du silence », un homme « venu du Sud, des pluies australes » et qui était « remonté vers le nord du peuple », Ricardo Neftali Reyes Morales, un poète, Pablo Neruda, travaillait à donner des yeux aux mots de ses poèmes. Pour voir. Le monde et les hommes qui en font l’histoire.
Le putsch militaire eut besoin de neuf jours pour emprisonner, torturer, tuer, réduire au silence le pays. Sa maison de Santiago comme celle de Valparaiso furent saccagées. Il mourut quelques jours plus tard : le 23 septembre 1973. Quarante ans ! Après avoir publié entre autres livres Résidence sur la terre, la Centaine d’amour et surtout le Chant général, chant dans lequel un continent avec ses fleuves, ses montagnes, ses hommes, son histoire, celles nationales des différents peuples mêlés, et une époque tentent de prendre conscience d’eux-mêmes – et c’est alors la réalité de l’homme américain du Sud tel que l’ont façonné un ciel, un sol, un climat, une histoire, qui est le véritable héros de ce livre –, voici aujourd’hui Vaguedivague, recueil de 1958 qui mêle souvenirs, expériences, voyages.
Cette « voguante vaguedivague » reste pourtant bien ancrée en terre. « Faisons profession terrestre / Touchons terre avec l’âme », écrit Neruda. À ses yeux, il convient de « mélanger le sable et l’homme » car si nous sommes dans la nature, c’est sur la terre que nous existons, là où la langue, labourée, remuée, aérée par le travail du poète, se retourne contre ceux qui croient la posséder pour nous mieux asservir et s’approche au plus près ce qui lui échappe conscient qu’il ne « (vient) rien résoudre » juste « chanter / et pour que tu chantes avec moi ».
Neruda en poche.
1924, 1952. Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée, suivi des Vers du capitaine. Édition bilingue (1).
1933. Résidence sur la terre (2).
1950. Chant général (3).
1959. La Centaine d’amour. Édition bilingue (4).
1964. Mémorial de l’île Noire, suivi d’Encore (3).
Posthumes. La Rose détachée et autres poèmes (3).
Traductions : (1) Claude Couffon et Christian Rinderknecht, (2) Guy Suarès, (3) Claude Couffon, (4) André Bonhomme et Jean Marcenac. Poésie/Gallimard.
Alain Freixe